Sommes-nous à l'aube d'une nouvelle ère en management?
La pandémie a donné un élan à la notion de bienveillance dans les organisations. Après tout, celle-ci répond à notre besoin de connecter avec les gens et les organisations! Cela dit, quand cette valeur est présentée comme un indicateur de performance et que des auteures telles qu’Estelle Morin traitent de l’importance de la cultiver pour s’adapter et augmenter notre efficience, il y a lieu de se demander : sommes-nous à l’aube d’une nouvelle ère en management?
La bienveillance en organisation, au-delà des mots
Mais qu’est-ce que la bienveillance? Il s’agit de la «disposition d’esprit inclinant à la compréhension, à l’indulgence envers autrui» (Larousse). Au départ, c’est donc une qualité personnelle.
Transposé dans nos organisations, le terme «bienveillance» réfère à la croyance que l’être humain est foncièrement bon, responsable, bien intentionné, doté de qualités et de talents qui lui sont propres et qui le rendent unique et digne.
Toutes les organisations peuvent-elles développer une culture bienveillante?
Non, car c’est un postulat qui implique de donner de l’autonomie, de réduire les contrôles, de donner accès à l’information et de faire confiance aveuglément ou presque… Pour plusieurs, ce n’est pas réaliste, du moins, pas du jour au lendemain! Et c’est une des raisons pour lesquelles le travail de Frédéric Laloux dans Reinventing Organizations est si pertinent.
Ce dernier a développé un modèle qui présente les niveaux de conscience organisationnelle. Chacun a sa couleur et son emblème, partant de celui axé sur l’impulsivité, les objectifs à court terme et l’autorité d’un chef, à celui du futur, des organisations évolutionnaires et organiques, caractérisé par le fait de concevoir la structure comme un organisme vivant. L’intérêt de cet outil est de situer son organisation dans un continuum et de déterminer quel serait le niveau idéal vers lequel tendre selon son contexte, ses valeurs et ses objectifs.
Êtes-vous prêt·e à changer de niveau?
Bien sûr, changer de niveau implique également la mise en place d’un contexte favorable au changement. Pour Frédéric Laloux, une organisation ne peut pas atteindre un niveau de conscience plus élevé que celui de la personne qui la dirige, d’où l’intérêt des démarches comme Dare to lead de Brené Brown et celle du Cercle d’or de Simon Sinek. Tous deux envisagent les leaders et les gestionnaires comme des vecteurs de changement aspirant à être la meilleure version d’eux·elles-mêmes.
On comprend que ces croyances prennent appui sur des valeurs qui se traduisent dans des façons de faire, des processus, des politiques, des systèmes, des rituels. Intégrer les principes bienveillants en tant que gestionnaire est la base de ce changement. Voici quelques caractéristiques résumant la posture bienveillante :
La confiance envers les personnes : Les auteurs de L’entreprise Altruiste, Isaac Getz et Laurent Marabacher, énoncent le postulat selon lequel seule une minorité de personnes posera un geste répréhensible et que, par conséquent, plus de valeur sera créée en soutenant la majorité de ses collaborateur·rice·s dans la réalisation de leur potentiel. Concrètement, cela veut dire, par exemple, de mettre du matériel en libre-service plutôt que sous clé ou géré par un commis et l’absence de plafonds de dépenses.
L’autonomie : Toujours selon ces auteurs, la liberté n’est pas de pouvoir faire ce que l’on veut quand bon nous semble, mais plutôt de faire ce qui doit être fait, ce qui est juste, quand il le faut. Par exemple, cela peut se traduire par une réduction du nombre de niveaux d’approbation.
Le mécanisme de sollicitation d’avis détaillé par Frédéric Laloux dans Reinventing Organizations est une alternative éprouvée pour éviter que la situation ne tourne au chaos. Ainsi, toute personne est en mesure de prendre une décision pour autant qu’elle ait consulté au préalable les parties prenantes concernées et les expert·e·s de la question. Il va sans dire que l’accès à l’information est primordial pour permettre aux individus d’exercer leur autonomie. Et pour s’assurer que chaque personne se lance sur de bonnes bases, il peut être à propos de mettre à l’agenda de la formation sur des mécanismes qui la favorise!
La responsabilisation : On part ici du postulat selon lequel chacun·e est adulte, doué∙e d’intelligence, de raison et de jugement. La responsabilisation va de pair avec l’autonomie. En anglais, le terme «accountable» traduit mieux le concept en y ajoutant une dimension de reddition de compte.
Le droit à l’erreur : Fréquemment, les apprentissages les plus significatifs découlent de nos erreurs. C’est en donnant le droit à l’erreur que l’on accepte la prise de risques, premier moteur du développement personnel et professionnel.
L’importance des relations humaines : L’énergie investie dans ces liens est d’une importance capitale. Être vrai·e, avoir conscience de soi-même et être à l’écoute de l’autre avec son corps et son cœur donne un sens, non seulement à nos interactions et à nos relations, mais également à qui nous sommes en tant que personne entière. Guillaume Dulude explore d’ailleurs ces aspects de manière intéressante dans son ouvrage Je suis un chercheur d’or.
Alors, sommes-nous à l'aube d'une nouvelle ère?
La pandémie a permis de mettre la bienveillance à l’ordre du jour, d’offrir une considération accrue à des idées souvent jugées au mieux idéalistes, au pire, triviales. Cette crise sanitaire a été l’opportunité de révéler une panoplie d’initiatives managériales concrètes motivées par la bienveillance et l’altruisme. Au-delà du buzz word, la bienveillance ouvre la porte à de nouvelles perspectives de gestion : chaque organisation peut l’intégrer dans une mesure qui lui convient, l’adapter à son contexte. En bout de ligne, les résultats parleront d’eux-mêmes.
Cet article a été rédigé par Catherine Lamontagne en collaboration avec l’Ordre des administrateurs agréés du Québec.