L'importance de se dire «les vraies affaires»
Vous est-il déjà arrivé d'évoluer dans un environnement où tout va toujours bien? Ce genre de milieu de travail où les gens sont toujours d'accord sur tout? Un endroit où chacun fait ce qu'il y a à faire exactement de la bonne façon du premier coup, dans la bonne humeur et l'enthousiasme perpétuel?
Même moi, qui suis de nature optimiste avec une tendance marquée pour l'idéalisme, je sais pertinemment que ce genre de situation cache anguille sous roche.
Voici donc trois raisons de se dire les «vraies affaires», assorties d'un petit aide-mémoire pour vous aider à passer à l'action.
3 Raisons de se dire les «vraies affaires»
1. Pour réduire les malentendus
Claude Steiner a une façon très accessible d'expliquer ce principe. Il utilise les chaudoudoux – les gestes et les paroles empruntés à d'autres qui nous font nous sentir bien – et les froid-piquants – ceux qui nous font nous sentir mal.
Selon l'auteur du Conte chaud et doux des chaudoudoux, on ne peut pas faire passer un froid-piquant pour un chaudoudoux : même avec une fourrure soyeuse, le froid-piquant reste froid et piquant. Sur le coup, la personne qui reçoit le froid-piquant déguisé en chaudoudoux perçoit la douceur extérieure. Dans son for intérieur cependant, elle sait que quelque chose cloche. Mais quoi?
Ne pas se dire les vraies affaires ouvre la porte aux malentendus. Cela vous permet de maintenir des relations harmonieuses en apparence, mais parfois au détriment de la tâche, de l'accomplissement de votre mission.
2. Pour avoir un climat de travail efficace, collaboratif et harmonieux
Si les contes pour enfants ne vous semblent pas très sérieux, peut-être porterez-vous davantage attention aux propos de l'auteur et consultant en relations humaines Yves St-Arnaud. Ce psychologue québécois aborde la vie sous l'angle de l'énergie : en s'unissant au sein d'un groupe, chacun·e met en commun son énergie. Cette énergie est ensuite utilisée à trois fins : la production, la solidarité et l'entretien.
Pour qu'un groupe soit en santé et qu'il connaisse une croissance normale, l'énergie doit circuler en quantité suffisante entre ces trois éléments. C’est ce qui favorise un climat à la fois efficace, collaboratif et harmonieux. Se parler franchement est donc une façon de tendre vers un équilibre qui permet aux équipes de se développer durablement.
3. Pour se faire du bien, pour vrai
Dire ce qu’on pense vraiment est également un moyen d’offrir et de recevoir des rétroactions constructives. Cela permet non seulement d'améliorer nos relations interpersonnelles, mais cela nous aide aussi à nous développer sur les plans humain et professionnel. Il faut donc se libérer du mythe selon lequel une rétroaction est automatiquement négative. La rétroaction, ou feedback, traduit une perception.
Pour illustrer cela, ma collègue Annik nous a fait faire un atelier dans le style de l'émission Un souper presque parfait. Chacun·e de nous devait préparer un plat pour l'équipe sans savoir que celui-ci serait évalué par la suite. En équipe de deux, nous avons dû évaluer chaque plat sur une échelle de 1 à 10, 1 étant vraiment mauvais et 10, excellent.
En apparence simple, cet exercice a permis de révéler les éléments propres à la rétroaction :
Elle est basée sur nos sensations : nos cinq sens nous transmettent des informations qui peuvent varier d'une personne à l'autre. Par exemple, certain·e·s ont été charmé·e·s par les couleurs, d'autres par le mélange des saveurs. Bien que les goûts ne se discutent pas, ils se traduisent tout de même dans la rétroaction;
Elle est basée sur nos perceptions : notre façon de sélectionner et de structurer l'information est toute personnelle. Par exemple, les personnes qui aiment le sucre ont systématiquement donné une meilleure note aux recettes sucrées, indépendamment des autres critères;
Elle est basée sur la métacognition, c'est-à-dire sur la façon dont on procède pour résoudre un problème. Par exemple, une équipe a attribué une pondération à certains critères (ex.: la présentation visuelle) tout en choisissant d'en exclure d'autres (ex.: le fait que les ingrédients soient d'origine locale), alors qu'une autre a plutôt statué sur la meilleure et la pire recette avant de donner une note équivalente aux autres.
Dans tous les cas, nous avons convenu que l'exercice démontrait bien à quel point la rétroaction vise un événement X (produire un plat) à un moment X (spécifiquement pour cette rencontre d'équipe).
Certain·e·s ont improvisé avec ce qu'iels avaient dans le frigo tandis que d'autres ont saisi l'occasion de traduire leurs valeurs dans leur assiette et de sensibiliser leurs collègues sur le sujet; d'autres encore ont misé sur le caractère décadent de leur plat pour satisfaire nos envies de sucre et de gras. Bref, chacun·e est arrivé·e avec sa vision, ses goûts, ses objectifs, son état d'esprit.
Est-ce que cela en fait de moins bon·ne·s cuisinier·ère·s pour autant?
Le fait de parler de nos goûts, de nos attentes, de nos contraintes, de nos objectifs est un exercice sain pour mieux se comprendre. Cela peut même susciter de la joie plutôt que de la peur, comme le présente Joe Hirrsch dans son Ted Talk The Joy of Getting Feedback.
En fait, une rétroaction constructive et pertinente peut mener à une relation plus authentique, à une confiance accrue et à des changements durables.
Toute vérité est-elle bonne à dire?
La réponse optimiste serait oui! La réponse réaliste est plutôt «ça dépend». Ce fameux Joe Hirsch signait récemment un article dans la Harvard Business Review sur la rétroaction, où il mettait en valeur le caractère bidirectionnel d'une rétroaction.
Quand nous sommes en présence de deux personnes aux univers différents, la posture la plus efficace pour aborder une rétroaction constructive est celle de l'humilité et du partenariat. Dans cet esprit, l'idée n'est pas d'imposer sa vision des choses à l'autre (comme dans mon exemple précédent, en prenant pour acquis que tout plat sucré est automatiquement meilleur), mais plutôt d'être curieux de la réalité de l'autre et de chercher à trouver une façon d'atteindre nos objectifs communs. Un processus qui, selon M. Hirsch, implique un partage du pouvoir avec la personne qui reçoit la rétroaction afin qu'une conversation bidirectionnelle puisse avoir lieu.
Quelle chose avez-vous trouvé la plus difficile à communiquer à vos collègues? À vos employés? À vos gestionnaires? Est-ce que ce type de conversation aurait été possible dans votre cas et pourquoi? Au besoin, l'article de la Harvard Business Review auquel je fais référence propose un processus pour vous aider à initier ce type de rétroaction bidirectionnelle.
Cet article a été rédigé par Catherine Lamontagne.