Comment mieux gérer son temps et ses projets?


1.  Garder la maîtrise du temps et des contenus

Adopter deux approches complémentaires

Bien qu’avoir en permanence le total contrôle de sa vie et des évènements semble un objectif impossible à atteindre – voire nocif pour la santé mentale –, il est toutefois réaliste de créer un espace personnel contrôlé, vecteur de sérénité et du sentiment de «faire ce qu’il faut quand il le faut».

Cette analogie avec deux objets communs devrait vous aider à comprendre le principe :

La boussole détermine où vous voulez vous rendre à moyen et/ou long terme : elle vous donne le cap, la direction générale à suivre en fonction de vos priorités fondamentales. Elle constitue un point de repère qui vous permettra d’atteindre vos objectifs à l’échelle individuelle et organisationnelle;

La montre sert à organiser votre futur proche, autrement dit l’utilisation que vous faites de votre temps, le choix des sujets auxquels vous accordez prioritairement votre attention, l’arbitrage de ce qui peut attendre ou doit être reporté. Cet outil facilite le tri et l’aiguillage de vos projets.

Trouver sa boussole… ou rechercher son Ikigaï

Diagramme de l'Ikigaï disponible sur ikigaitest.com/fr/
Diagramme de l'Ikigaï © ikigaitest.com

Le saviez-vous? «Ikigaï » signifie «raison d’être» en japonais

Trouver le centre à l’intersection des 4 cercles de couleur est synonyme d’épanouissement personnel. Mais dans la pratique, comment identifier ce Sweet Spot?

  • Le cercle mauve représente le type d’activités qui font battre votre cœur;

  • Le cercle bleu représente les connaissances que vous avez ou voudriez avoir (avec une formation appropriée, rien n’est hors de portée);

  • Le cercle vert représente le type d’activités qui font l’objet d’un besoin sur le marché du travail;

  • Le cercle brun représente vos meilleures compétences, même si vous n’aimez pas vraiment les utiliser.

La rédaction puis la lecture de l’Ikigaï révèle des informations précieuses aux intersections des 4 cercles :

  • Associés deux par deux, ils vous permettent d’identifier votre passion, mission, vocation et profession;

  • Trois par trois, ils révèlent votre type de personnalité (réaliste, investigatrice, artistique, sociale, entreprenante, conventionnelle…), votre profil de carrière, votre archétype (administrateur, mentor, analyste, contrôleur, innovateur, inspecteur, médiateur, stratège, superviseur, technicien ou artisan) et, enfin, votre bizarrerie (ce qui vous distingue des autres).

Connaître son Ikigaï revient à avoir sa boussole personnelle en permanence dans la poche pour :

  • lister les choses à faire au quotidien : la boussole vous aide à classer ce qui est important à vos yeux et ce qui l’est moins;

  • croiser ces deux catégories avec ce qui est important pour votre organisation (ou votre écosystème), selon l’endroit où vous exercez vos activités.

Un écosystème vous convient lorsque vos priorités personnelles sont alignées avec les objectifs, produits, services, etc. de l’organisation dans laquelle vous travaillez.

Si ce n’est pas le cas, trois solutions pratiques s’offrent à vous :

  • L’adaptation : vous décidez que les priorités de votre environnement supplantent votre Ikigaï;

  • La prise de pouvoir : vos propres priorités prennent le dessus sur l’organisation;

  • Le changement : si aucune des solutions précédentes n’est possible, il faut envisager de quitter votre organisation sous peine de vous briser vous-même.

Voilà comment la boussole peut vous épargner le stress généré par le tiraillement de priorités non alignées!

Combiner montre et boussole grâce à la matrice d’Eisenhower

Schéma de la matrice d'Eisenhower
Matrice d'Eisenhower © projectwizards.net

La matrice d'Eisenhower est un outil de gestion du temps qui permet de classer les tâches en fonction de leur urgence et de leur importance. Elle se présente sous forme d'une grille à quatre cases, qui permet de visualiser rapidement la priorité des tâches à effectuer.

En pratique :

  • L'urgence est définie comme le degré de pression ou de stress qu'une tâche exerce sur vous pour être accomplie. Plus une tâche est urgente, plus elle nécessite une attention immédiate et doit être traitée rapidement.

  • L'importance est définie comme la valeur ou l'impact que la tâche a sur la réalisation de vos objectifs à long terme (la fameuse boussole). Les tâches importantes contribuent à la réalisation de vos objectifs personnels et professionnels (Ikigaï), tandis que les tâches moins importantes n'ont pas d’impact significatif sur vos objectifs à long terme.

Imaginons que vous soyez maire·esse et que votre passion soit l’intérêt général. Selon la matrice d'Eisenhower, vos tâches peuvent être classées dans les 4 catégories suivantes :

1. Tâches urgentes et importantes : elles doivent être traitées en priorité absolue, car elles ont un impact significatif sur vos objectifs à long terme et nécessitent une attention immédiate.

Par exemple, une pluie verglaçante a fait tomber des arbres et une centaine de maisons n’ont plus d’électricité : vous participez immédiatement à la cellule de crise avec HydroQuébec et les émondeurs, vous vous rendez sur place pour constater les dégâts et rassurer la population jusqu’au rétablissement de la situation.

2. Tâches importantes mais non urgentes : elles ont un impact significatif sur vos objectifs à long terme, mais ne nécessitent pas une attention immédiate. Il est important de planifier ces tâches à l'avance – en prévoyant par exemple des plages horaire pour vous y consacrer dans les prochains jours ou semaines – et de les traiter dès que vous pourrez afin de ne pas les laisser de côté.

Par exemple, les riverains souhaitent la construction d’une nouvelle école, mais une analyse des flux migratoires et de la pyramide des âges est nécessaire pour confirmer qu’un tel investissement est pertinent sur le long terme : vous allez commander les études et planifier les rencontres de concertation afin d’organiser un vote dans quelques semaines.

3. Tâches urgentes mais non importantes : elles nécessitent une attention tout de suite, mais n'ont pas un impact significatif sur vos attendus à long terme. Il faut déléguer ces tâches à une autre personne autant que possible afin de pouvoir vous concentrer sur vos tâches importantes.

Par exemple, un accident survient en face de la mairie et on vous appelle au secours : vous vous assurez que les équipes paramédicales soient contactées et prennent en charge les blessé·e·s jusqu’à l’hôpital le plus proche. Vous demandez à votre assistant·e de vérifier dans les jours suivants que les personnes hospitalisées ont bien été soignées et rentrent chez elles.

4. Tâches non urgentes et non importantes : elles peuvent facilement être reportées ou éliminées, sans conséquences négatives sur vos objectifs à long terme. Vous les réaliserez peut-être un jour si vous n’avez rien d’autre à faire.

Par exemple, une personne membre du conseil municipal sollicite votre aide pour rafraîchir la peinture des bureaux municipaux, car elle a reçu plusieurs commentaires négatifs.

Utiliser la matrice d'Eisenhower peut vous permettre de mieux gérer votre temps en vous concentrant sur les tâches prioritaires tout en déléguant ou éliminant les tâches moins pertinentes en regard de vos objectifs. Vous serez ainsi plus efficace et augmenterez les chances d’atteindre vos objectifs à long terme.

2. Apprendre à gérer les imprévus : un mal nécessaire

Réserver du temps pour traiter les urgences

On ne peut pas tout prévoir, car la vie comporte son lot d’incertitudes et d’inattendus. Pour pouvoir les absorber sans créer ou vivre de frustrations, il est possible et recommandé de prévoir des plages de travail quotidiennes pour les gérer.

En pratique, vous pouvez :

  • déterminer une ou deux plages de 30 à 45 minutes par jour de «rendez-vous avec vous-même» pour réfléchir. Le thème s’imposera naturellement à vous : un sujet important qui vous tient à cœur ou l’urgence du jour, qui nécessite de ne pas vous précipiter, mais de réagir rapidement.

  • sanctuariser une ou deux autres plages quotidiennes où vous serez disponible «au cas où» pour vos collègues, vos équipes ou gérer tout événement inattendu qui requiert votre attention. Ces plages sont par défaut vierges de tout rendez-vous ou tâche prédéfinie, comme celles que vous réservez pour une séance de sport ou toute autre activité bénéfique pour la santé. Si rien n’arrive dans la journée, ce temps vous revient pour avancer tranquillement une tâche importante.

J’ai par exemple connu une femme médecin généraliste qui bloquait 30 minutes le matin avant ses premiers rendez-vous et 30 minutes après le déjeuner pour elle-même. Elle réservait par ailleurs 2 ou 3 créneaux en fin de matinée et en fin d’après-midi pour les pathologies urgentes et les crises. De son propre témoignage, cette dernière disposition constituait un vrai facteur de sérénité, car :

  • s’il y a des urgences, elle est organisée pour y faire face sans qu’il y ait d’impact sur l’horaire de sa journée;

  • s’il n’y a pas d’urgences, elle peut prolonger un ou deux rendez-vous qui nécessitent une écoute particulière, avec la satisfaction de «mieux faire son travail».

Finalement… adapter sa posture et son état d’esprit suffit

Il se dégage deux grands principes des exemples présentés dans cet article : l’anticipation et l’organisation personnelle.

L’image à garder en tête est celle d’un bateau à voile voguant sur l’océan :

  • Sans Ikigaï ni principes d’organisation, votre bateau est sans voile et sans gouvernail : il vogue au gré des courants et du vent dominant. À moins d’avoir un coup de chance phénoménal, ces derniers ne sont pas forcément vos priorités. Il est donc fort probable que votre bateau se retrouve dans la mauvaise direction et loin du cap désiré.

  • En connaissant vos priorités et en prévoyant du temps pour faire face aux imprévus et aux urgences, vous avez la main sur la voilure et le gouvernail de votre bateau : vous avez ainsi plus de contrôle et le dirigez où bon vous semble. Avec le contrôle apparaît la satisfaction et disparaît la frustration : deux bonnes raisons d’être dans l’action proactive plutôt que dans la réaction!

Photo d'un voilier sur l'océan
Photo © Mike Knibbs, pexels.com

Passionné de conseil en management, j’ai personnellement fait évoluer ma pratique :

  • AVANT : je participais à des projets longs et intensifs, planifiés sur de longues périodes et impliquant des démarches très structurées. Résultat : un horaire plein pour les 2 à 3 mois suivants, mais très peu de temps pour m’adapter à la suite d’un imprévu ou réagir à une opportunité. Quand tout marche comme prévu, c’est très rémunérateur, mais au moindre grain de sable (imprévu), on peut perdre plusieurs jours voire semaines d’honoraires. Or, depuis 2001, nous vivons dans un monde VICA (volatile, incertain, complexe et ambigüe) où les grains de sable sont devenus la règle.

  • AUJOURD’HUI : pour offrir plus de confort à ma clientèle et avoir une plus grande flexibilité, je pratique le conseil à la demande. Cela nécessite peu d’engagement à l’avance, la vente de prestations par petites bouchées et l’adaptation au rythme de mes client·e·s, qui peuvent prendre une pause ou changer d’avis en cours de projet si leur contexte a évolué. Je mène dorénavant de front jusqu’à 5 missions en parallèle, qui avancent chacune à leur rythme avec des séances de travail de 1 ou 2 heures plutôt que par semaine complète.

En prévoyant des plages pour gérer les imprévus et des rendez-vous avec moi-même, mon quotidien se révèle très diversifié et génère un minimum de stress. Je ne sais jamais exactement ce que je vais faire dans deux semaines, mais j’ai épargné sur un compte l’équivalent de 2 à 3 mois d’honoraires. Cette «assurance emploi» me permet de palier à une absence d’activité prolongée et me rassure. Le résultat? En 14 ans, je n’ai jamais enregistré d’inactivité supérieure à une semaine, ma clientèle adore la flexibilité de la formule et en redemande! Lâcher prise sur un agenda déterminé deux mois à l’avance me permet de travailler mieux qu’avant, avec satisfaction, sérénité et sans inquiétude, tout en étant plus réactif aux imprévus de mes client·e·s. En conclusion, comme l’écrit si bien William Ernest Henley dans son poème Invictus :

«[…]

je suis le maître de mon destin
je suis le capitaine de mon âme.
»

Je vous souhaite donc de mettre la main sur votre boussole et de retrouver votre âme d’explorateur·rice. Bonne chasse et bon vent!

Cet article a été coécrit par Frédéric Gaurier, Adm.A, CMC et Élodie Malroux.