5 astuces pour bâtir une stratégie marketing numérique de manière responsable
La digitalisation a littéralement révolutionné tous les métiers de la communication et du marketing. En constituant une véritable source de progrès et en ouvrant le champ des perspectives, le tout de façon dématérialisée, elle nous a donné l’impression que tout était possible.
Pourtant, cette digitalisation des stratégies marketing a bien un impact environnemental, social, mental, et cet impact est trop souvent négligé. Explorons dans cet article les différents enjeux écologiques du marketing numérique et, surtout, les façons de créer une stratégie durable alliant performance commerciale et respect de l’humain·e et de l'environnement.
1. Écoconcevoir son site internet
C’est invisible! En tant qu’internaute, chaque navigation sur une page web se fait de manière immédiate, magique, immatérielle. On a face à nous des univers virtuels dont il est difficile d’imaginer l’impact sur la planète. On a même, à une époque, crié sur tous les toits que le digital permettait d’éviter la pollution liée au papier.
Pourtant, le numérique représente à lui seul 3,8 % des gaz à effet de serre (Green IT, empreinte environnementale du numérique mondial) et 5,5 % de la consommation d’électricité. Ainsi, la création et la gestion d'un site web ont un coût énergétique non négligeable, en particulier à cause de la quantité de données échangées et stockées en ligne. D'ailleurs, le développement technologique ne s’est pas fait dans le sens de la frugalité : le poids des pages web a été multiplié par 155 entre 1995 et 2022!
C'est pourquoi l'écoconception numérique est devenue un enjeu de taille pour les organisations, qui sont de plus en plus nombreuses à vouloir réduire leur impact environnemental. Elle consiste à prendre en compte les impacts environnementaux liés à la conception, la production, l'hébergement et l'utilisation des supports et services numériques. Cela inclut par exemple la conception minimaliste (environ 45 % des fonctionnalités demandées ne sont jamais utilisées et 70 % ne sont pas essentielles), la réduction des besoins énergétiques du site, la suppression de fonctionnalités inutiles, l'optimisation des codes et des images, ou encore l'utilisation de serveurs moins énergivores (alimentés en énergies renouvelables par exemple). L'objectif est de réduire l'empreinte carbone du site, tout en améliorant l'expérience utilisateur et les performances du site. La bonne nouvelle, c’est qu’un site écoconçu est plus rapide et performe mieux en SEO qu’un même site plus lourd.
Pour les entreprises et organisations qui souhaitent s'engager dans une démarche d'écoconception numérique, plusieurs outils et méthodes sont disponibles. Vous pouvez vous appuyer sur les 115 bonnes pratiques du collectif Green IT, mesurer l’impact environnemental de votre site grâce à l’Ecoindex, ou encore faire appel à des agences spécialisées comme Wild&Slow.
2. Agir pour un numérique non intrusif et respectueux des utilisateur·rice·s
Lorsque l'on conçoit des services numériques, il peut être tentant d'utiliser des méthodes visant à optimiser les tunnels de conversion, le montant des paniers ou la valorisation des données. Toutefois, l'éthique de ces méthodes peut être difficile à discerner étant donnée leur utilisation massive. En tant que citoyen·nes et consommateur·rices, nous avons tou·tes ressenti ce sentiment de dégoût en tombant sur une publicité en parfaite harmonie avec une conversation que nous avons eue il y a une heure chez nous ou en parfaite cohérence avec notre historique de navigation. Nous avons tou·tes été harcelé·es par des courriels trop fréquents ou exaspéré·es de devoir décocher un consentement coché par défaut.
Pour agir en faveur d'un numérique moins intrusif, il est possible de mettre en place quatre actions majeures :
Respecter le libre arbitre en s'interdisant d'utiliser des dark patterns, c'est-à-dire des interfaces conçues pour tromper ou manipuler volontairement les internautes;
Faire moins, mais mieux en limitant l'envoi d'infolettres et de courriels, en optimisant la segmentation des audiences cibles en fonction de leurs intérêts et en supprimant régulièrement les abonné·es désengagé·es. Ces simples actions permettent d'optimiser le taux d'ouverture et de clics tout en évitant le gaspillage et la pollution numérique. Les sollicitations trop nombreuses sont en fait une raison majeure du désengagement et du désabonnement de votre base;
Éviter les formats publicitaires intrusifs tels que les publicités en pleine page avec bande sonore ou vidéo par défaut. Privilégiez les formats natifs qui permettent à l'internaute de fermer la publicité s'il ne souhaite pas la voir et désactivent le son par défaut;
Définir sa ligne de conduite en matière de tracking en clarifiant la limite entre les données utiles pour mieux comprendre l'utilisateur·rice et les données intrusives qui peuvent être utilisées sans limite. Chaque annonceur doit définir sa propre ligne de conduite en ne collectant que les données nécessaires, en utilisant un minimum de cookies et en évitant de partager des données avec des tiers.
3. Réfléchir à une stratégie éditoriale écoresponsable
À l'ère de la prolifération de contenu snack, où des millions de posts sont publiés chaque minute et où plus de 60 % des budgets marketing sont consacrés au contenu, il est temps de s'assurer que ces dépenses sont bien justifiées. L'heure de la transition éditoriale a sonné.
Pour mettre en place une stratégie de contenus plus responsable, il est essentiel de prendre en compte le double impact environnemental de la production de contenus, c'est-à-dire les émissions de gaz à effet de serre liées à la production créative ainsi que les émissions liées à la diffusion et à la visualisation en ligne. Les utilisateur·rices sont particulièrement friand·es de contenus vidéo, mais saviez-vous que la consommation de streaming vidéo est à elle seule source de près de 1 % des émissions mondiales de CO2 selon The Shift Project (2019)?
Par conséquent, une stratégie éditoriale écoresponsable doit intégrer un nouveau principe : éviter de poursuivre une croissance infinie basée essentiellement sur des métriques de vanité, telles que le nombre de vues et le classement, qui nous incitent à produire toujours plus. Cela implique de remettre en question la plupart des stratégies SEO classiques qui rendent les contenus visibles pour les robots, mais invisibles pour les humain·es. Voici quelques facteurs clés de réussite :
Produire des contenus qui parlent aux humain·es avant de parler aux robots en prenant le temps de réfléchir à ce que l'on souhaite vraiment approfondir, quitte à produire moins. Il est également essentiel de parler avec le cœur et de penser à l'effet émotionnel que le contenu aura sur le public, car ce ne sont ni les moteurs de recherche ni l'IA qui décident de ce que vous avez à dire.
Produire des contenus plus utiles en exploitant les mines de sujets que votre marque possède, conjugués à une démarche pédagogique rigoureuse et à des formats poussés ou innovants. Il s'agit de penser à des contenus de plus grande qualité qui stimulent l'esprit et la connaissance de l'humanité, ce qui vous permettra d'émerger en tant qu'expert·e.
Produire du contenu intemporel, de l'evergreen content, qui restera intéressant dans le temps. Si vous le croisez dans 1, 3 ou 5 ans il sera toujours pertinent. C’est le cas des contenus tutoriels «How to?» ou guides/livres blancs sur des sujets qui ne sont pas soumis à des variations externes et qui n’ont pas déjà été traités mille fois.
Effectuer de l'ingénierie éditoriale en prenant le temps de passer en revue les centaines de contenus déjà produits. Il est important de déterminer quels contenus conserver, quels contenus abandonner au profit de formats et de sujets plus adaptés aux nouveaux enjeux, et comment regrouper plusieurs sujets qui se répondent pour proposer des expériences éditoriales plus composites et exploratoires.
Faire émerger de nouveaux indicateurs : taux de rebond, temps passé sur la page, taux de clic, pourcentage de contenus à forte valeur ajoutée, pourcentage de contenus promouvant un comportement responsable...
4. Fixer un prix juste
Quand on parle de marketing, on parle le plus souvent de communication en oubliant parfois que le prix en est une composante essentielle.
Or, au-delà d’être l’élément moteur de la rémunération de votre entreprise, le prix porte en lui des messages. Un message de valeur : ce produit ou ce service vaut tant, c’est ce que les gens sont généralement prêts à payer pour se le procurer (quel qu’en soit le coût de fabrication). Mais aussi un message de justice : ce produit ou ce service peut être à l’origine d’un sentiment d’impuissance («j’en ai vraiment besoin, mais je ne peux pas le permettre, car je n’en ai pas les moyens»), voire de colère («les profits réalisés sont absolument indécents»). Il est donc au final toujours intéressant de se demander «qu’est ce qu’un prix juste?».
Approche n°1 : Un prix juste est un prix qui permet de rémunérer justement tous les maillons de la chaîne : fournisseurs, partenaires, employé·es, actionnaires. Si vous êtes dans cette démarche, alors n’hésitez pas à jouer la carte de la transparence en montrant à votre clientèle (sur votre site internet, par exemple) la décomposition de votre prix en terme de rémunération des parties prenantes (X % employé·es, X % composant n°1, X % marge nette...);
Approche n°2 : Un prix juste, c’est un prix qui s’adapte à sa clientèle. Même si le besoin est identique, tout le monde n’a pas les mêmes moyens pour accéder à la solution. Ainsi, votre offre peut se rendre encore plus utile si son prix sait s’adapter aux différents profils de clients qui sont en face de vous, qu’il s’agisse de :
Situation personnelle. Ex. : tarif étudiant·e, tarif chômeur, etc.,
Structures d’utilité publique. Ex. : remise spéciale pour les structures associatives,
Taille d’entreprise : TPE, PME, grand groupe.
Il existe forcément un moyen pour vous d’adapter votre tarif à votre typologie de cible afin d’y ajouter une dimension responsable et d’en faire un produit ou un service accessible à tous.
5. Guider ses cibles vers une consommation raisonnée
Avez-vous sincèrement envie d’être une entreprise prête à tout pour faire des profits, y compris à pousser votre clientèle à acheter ce dont elle n’a pas besoin? N’avez-vous pas envie de participer à rétablir des bases de consommation plus saines pour lutter contre le dérèglement climatique? À consommer moins, mais mieux?
En ce sens, si l’utilisation de réductions est une pratique utile ou efficace pour optimiser sa conversion marketing, il existe une pratique complètement irresponsable et déséquilibrée : celle des soldes, et plus particulièrement du Black Friday :
Absence de sens et de repères : comment un produit peut-il valoir 100 $ un jour, 30 $ le lendemain puis à nouveau 100 $ le surlendemain?
Rejet de plus en plus massif. Ainsi, en France, 6 personnes sur 10 considèrent la démarche comme une incitation à acheter des produits dont elles n’ont pas besoin, un achat inutile qui a un coût pour la planète.
Une démarche liée à la surproduction : on surproduit volontairement en ayant la capacité de déstocker à moindre prix, ce qui conduit à émettre toujours plus de CO2 et à mettre toujours plus de pression sur les fournisseurs. De nombreuses entreprises ont décidé aujourd’hui de boycotter le Black Friday et d’avoir une approche beaucoup plus raisonnable de la réduction. Ainsi, la marque de mode Faguo a lancé la démarche Make Friday Green Again qui vise à profiter de la journée non pas pour surconsommer mais pour faire le vide dans ses placards.
Ces 5 conseils ont tous un point commun : prendre du recul sur ce que nous sommes en train de faire, de construire, et chercher sincèrement à ne pas tout risquer pour assurer sa croissance économique. Le deuxième point commun, c’est qu’ils sont tous de vrais boosters pour votre stratégie commerciale : vous générez de la confiance, vous gagnez en finesse marketing et vous créeez une relation durable avec l’intégralité de vos parties prenantes.
Cet article a été rédigé pour OROKOM par Julien Massiot, directeur général et fondateur de l’agence Wild&Slow.