3 leviers d'innovation sociale à votre portée
L’innovation sociale modèle le changement systémique. Le microcrédit, les coopératives, les logiciels libres (open source), l’économie circulaire, la gestion opale et le commerce équitable sont en effet autant d’exemples d’innovation sociale!
Bien que les organismes à but non lucratif et les institutions de recherche semblent avoir des affinités naturelles avec les aspirations et les principes qui guident ce type d’innovation, on constate par ailleurs un intérêt croissant de la part d’une grande variété d’entités publiques et privées.
Que vous soyez gestionnaire, administrateur·rice ou que vous œuvriez en consultation, vous trouverez dans les méthodologies, les processus et les outils de l’univers de l’innovation sociale de puissants leviers pour résoudre les enjeux qui vous empêchent de dormir.
Cet article répond à deux objectifs :
Développer une compréhension commune de l’innovation sociale;
Présenter trois leviers qui pourraient vous être utiles :
Une méthodologie : la pensée design ou design thinking,
Un processus : le laboratoire d’innovation sociale,
Un outil : la mise en récit, aussi appelée storytelling.
1. Démystifier l'innovation sociale
«Il y a du social dans toutes les innovations, mais toutes les innovations ne sont pas sociales.»
— Juan-Luis Klein, Département de géographie de l'UQAM et spécialiste de l'approche territoriale du développement socioéconomique
Pour comprendre le sens de cette phrase, clarifions d’abord deux concepts, soit celui de l’innovation et celui de l’innovation sociale.
L'innovation peut prendre la forme d’une idée, d’une approche, d’une intervention, d’une loi, d’un produit, d’un service et même d’un type d’organisation! Elle peut être incrémentale, en améliorant petit à petit; radicale, en changeant les manières de faire sans changer le marché; ou de rupture, en créant un nouveau marché.
On peut affirmer qu’il y a du social dans toute innovation dans la mesure où, de son émergence à son déploiement, elle implique des interrelations et génère des retombées qui concernent plusieurs parties prenantes.
La finalité d’une innovation ne concerne cependant pas nécessairement le bien commun.
C'est l’un des points distinctifs de l’innovation sociale. En effet, celle-ci répond à un enjeu complexe et persistant spécifiquement lié aux plans social ou environnemental. Non seulement elle implique plusieurs parties prenantes, mais elle prend le parti d’engager et de faire coopérer l’ensemble des parties prenantes clés liées à l’enjeu en vue d’y apporter une nouvelle réponse. Son caractère innovant est reconnu une fois que l’innovation a été déployée et adoptée par les personnes ou les organismes ciblés.
Apprenez-en plus sur l’innovation sociale auprès du Réseau québécois en innovation sociale et de la Maison de l’innovation sociale.
2. Capitaliser sur 3 leviers d’innovation sociale
L’innovation sociale comprend quatre phases :
L’émergence d’un désir de sortir des pratiques courantes;
La mobilisation d’une diversité de connaissances et de compétences;
La rétroaction des preneurs et preneuses;
L’appropriation, jusqu’à devenir la nouvelle pratique courante.
Je vous présente ci-dessous 3 leviers à votre disposition pour naviguer à travers ce métaprocessus.
La pensée design ou design thinking
Cette méthodologie créative permet de résoudre des problèmes complexes en mettant en correspondance les attentes des bénéficiaires, les contraintes techniques et la viabilité économique.
Grâce à l’empathie, la pensée design s’intéresse à ce que vivent et ressentent les bénéficiaires de manière à intégrer leurs points de vue et leurs besoins, du cadrage de la problématique à la mise en œuvre, en passant par la recherche et l’élaboration des solutions.
Quand l’utiliser? Très polyvalente, cette méthodologie peut être employée à plusieurs sauces et à différentes échelles. Dans ma pratique, je l’ai utilisée tant pour reconnecter des parties prenantes autour d’un objectif commun le temps d’une journée que pour élaborer une planification stratégique ou réinventer la proposition de valeur d’un service.
Dans son Guide pratique sur l’impact, André Fortin présente les 5 caractéristiques de la pensée design :
La créativité pour résoudre collectivement des défis;
L’approche centrée sur la personne utilisatrice et l’empathie;
Une structure permettant un parcours non linéaire et souple;
Une attitude axée sur la curiosité, l’apprentissage et l’optimisme;
La promotion de l’exploration, de l’expérimentation et de l’itération.
Les qualités à avoir pour l’employer? Vous aurez de la facilité à réaliser une telle démarche si d’emblée 1) vous mettez l’accent sur les valeurs humaines et les besoins, 2) vous arrivez aisément à créer de la clarté à travers la complexité et. enfin, si 3) vous avez un coffre à outils diversifié permettant de proposer des activités concrètes, accessibles et ciblées pour répondre à un but précis.
Le laboratoire d’innovation sociale
Dans le même esprit d’implication des parties prenantes dans la quête de solutions pour résoudre des enjeux sociaux complexes, le laboratoire d’innovation sociale propose un espace sécuritaire pour réaliser des expérimentations collectives à moyen ou long terme. Tout au long de la démarche, le laboratoire permet la transformation des individus et des systèmes, rien de moins. On retrouve ce concept émergent sous différents vocables et nuances : living lab, lab de design, change lab, lab social, etc.
Les laboratoires d’innovation sociale sont caractérisés par :
Les approches utilisées, dont la pensée design;
L’accent sectoriel, par exemple la santé;
Leur vision du changement, qui passe par la mobilisation concertée;
La manière de travailler, qui favorise la cocréation et l’expérimentation;
L’implication gouvernementale via une structure publique.
Quand l’utiliser? Une fois que le bon problème est cadré, dans un contexte sectoriel bien défini où il est possible de partager la propriété intellectuelle et où il est important de mesurer 1) les retombées humaines et sociales en termes de compétences, de pratiques et de réseau, 2) les retombées physiques comme un nouveau service, initiative ou infrastructure et 3) les connaissances générées.
Les personnes impliquées dans les laboratoires d’innovation sociale témoignent de réelles difficultés pour mener à bien la mission commune. Parmi elles, la dépendance au financement gouvernemental et la difficulté à mobiliser une aussi grande variété de parties prenantes à moyen et long terme. Ce sont donc des éléments à prendre en compte au moment d’évaluer le potentiel de ce processus.
Les qualités à avoir pour l’employer? La posture à privilégier est celle de la facilitation, qui se traduit à travers 1) un rôle de designer et de gardien du processus, 2) une intention favorisant l’appartenance et l’engagement des parties prenantes et 3) une posture neutre, marquée par une qualité de présence et d’écoute générative.
La mise en récit ou storytelling
Cet outil de communication permet d’inspirer le changement et de propulser l’action en liant information et émotions, raison et passions. La mise en récit s’articule en plusieurs étapes qui peuvent être résumées par :
L’identification et l’élaboration des ingrédients clés, soit l’objectif du récit, le public, le thème et le message central ainsi que les personnages (protagoniste, antagoniste et personnages secondaires);
L’élaboration et la construction de la trame narrative incluant la mise en contexte pour démarrer le récit, l’essor de la problématique, la crise qu’elle génère et les péripéties qui s’en suivent (épreuves, surprises, obstacles inattendus) dans un continuum de causes à effets, suivies d’un dénouement inspirant qui appelle l’action;
L’amélioration stylistique par le ton, le style, le symbolisme, les métaphores, etc.
L’efficacité de la mise en récit résulte entre autres de son ancrage dans plusieurs disciplines scientifiques, dont la psychologie cognitive et émotionnelle, les neurosciences, la sociologie, l’anthropologie et la linguistique.
La mise en récit est un puissant levier d’innovation sociale dans la mesure où elle est simple et démocratique, intemporelle, inspirante et contagieuse. Elle permet de transmettre des valeurs et des croyances, mais aussi d’améliorer l’apprentissage tant individuel que collectif.
Quand l’utiliser? La mise en récit est un outil passe-partout utile en de nombreuses circonstances : pour susciter les conversations pertinentes, faire évoluer les mentalités, sensibiliser à une cause, engager les parties prenantes, mobiliser les connaissances, favoriser le passage à l’action et stimuler le changement.
Les qualités à avoir pour l’employer? Pour faire de bonnes mises en récit, la créativité, l’empathie, le sens de l’observation et des compétences en résolution de problème et en recherche constituent une solide fondation. Ce à quoi il faut ajouter des compétences techniques en matière de communication et de narratif.
Pour aller plus loin
En conclusion, à partir du moment où vous avez la volonté de répondre à un besoin social auquel il n’y a pas de réponse formelle ou satisfaisante, vous trouverez des pistes de réflexion et d’action dans l’univers de l’innovation sociale.
Pour creuser le sujet, le Réseau québécois de l’innovation sociale est votre point de référence. Le Guide pratique sur l’impact d’André Fortin comprend aussi une section sur chacun des leviers présentés ainsi que les outils associés.
Cet article a été rédigé par Catherine Lamontagne pour l'Ordre des administrateurs agréés.